Paris. Printemps. 2h12.
Il y a ce vent léger, tiède, presque timide.
Un vent qui traverse les rues comme une main dans les cheveux.
Je marche. Lentement.
Je ne cherche rien.
Je me souviens.
Rue Oberkampf.
Les terrasses ont rangé leurs rires. Les verres sont vides, les chaises empilées.
Et moi, je la revois.
Assise au bord du monde, cigarette à la main, comme si rien ne pouvait l’atteindre.
Elle disait que la nuit révélait les cœurs.
Moi, j’essayais de cacher le mien.
La fièvre dans le sang… c’est ça que j’avais, sans oser le dire.
Je descends la rue Saint-Maur.
Il y avait ce banc. Ce banc où elle m’a dit qu’elle avait peur d’aimer, mais qu’elle voulait essayer.
Je lui ai pris la main. Pas trop fort. Juste assez.
Le genre de geste qu’on n’oublie pas.
Plus loin, les phares glissent sur les pavés, dans un silence respectueux.
Rue de la Roquette.
Un couple danse, doucement, au coin d’une rue.
Pas de musique. Juste eux.
Je souris.
Et dans ma tête, pour le plaisir s’invite, comme un souvenir qu’on croyait rangé.
Je prends à gauche. Rue des Tournelles.
Elle marchait toujours un peu devant moi, comme si elle n’avait pas le temps.
Et moi, je suivais.
Parce qu’on suit toujours ce qui nous dépasse.
Elle disait que j’étais compliqué.
Mais elle restait.
Elle m’écoutait parler de tout, de rien, de mes silences surtout.
Je longe la Seine.
Les ponts sont endormis.
Les bateaux figés, comme des secrets qu’on n’ose plus ouvrir.
Le ciel est clair, et son absence me tient compagnie.
Je ferme les yeux.
Elle est là. Je la sens. Juste là.
Le Pont des Arts approche.
C’est là qu’elle m’a embrassé pour la première fois.
Un baiser qui avait le goût du vent et du printemps.
On ne s’était rien dit.
On s’était juste compris.
Et depuis, je cherche encore ce silence-là.
Je monte les quelques marches.
Le bois du pont craque sous mes pas.
Elle est là.
Dos à la ville.
Cheveux lâchés.
Mains dans les poches.
Elle ne bouge pas.
Mais je sais qu’elle m’a senti arriver.
Je m’arrête.
Mon cœur bat. Mais doucement.
Comme s’il avait attendu ce moment depuis toujours.
Elle se retourne.
Ses yeux sont les mêmes.
Profonds. Inquiets.
Beaux.
Et sans un mot, voyage, voyage résonne quelque part, entre nous.
Comme une promesse, ou un dernier battement.
Je fais un pas vers elle.
Elle esquisse un sourire. Moi aussi…